Secteur Bécancour
Paroisse éponyme de la ville élargie, Bécancour appartient aux plus anciens établissements riverains du Saint-Laurent.
Sa fondation remonte à 1647 et son érection canonique à 1722. Pierre Robineau de Bécancour, Grand Voyer de la Nouvelle-France, donne son nom à la Seigneurie dont l’histoire sera marquée par la cohabitation entre les colons français et les Abénakis.
Ces autochtones, originaires du Maine, s’installent en bordure de la rivière Bécancour (alors appelée rivière Solinak) au début du XVIIIe. Le marquis de Vaudreuil les avait invités à immigrer en Nouvelle-France à la suite du massacre de leur village. Ces redoutables guerriers, déjà convertis au catholicisme, s’allient aux Français, puis aux Acadiens, pour combattre leurs ennemis communs : les Iroquois et les Anglais. D’ailleurs, leur réserve se situe sur une parcelle de la seigneurie originelle, au sud de Bécancour, sur la rive ouest de la rivière.
Outre son premier seigneur, Bécancour a accueilli des personnages remarquables. Parmi eux, Nicolas Perrot fut sans doute l’un de ceux qui fit le plus pour la bonne compréhension des peuples amérindiens; interprète et coureur des bois, on lui doit un ouvrage précieux sur les autochtones de l’Amérique septentrionale.
On relate aussi que Jean-Baptiste Decaraffe, pseudonyme de Jean-Louis de Bourbon, inhumé à Bécancour en 1813, serait nul autre qu’un fils naturel de Louis XV. Dans le domaine scientifique, Léon Provancher (1820-1892) mérite son titre de père de l’entomologie canadienne. Prêtre et naturaliste, il a publié nombre d’ouvrages savants sur la flore, les insectes et la botanique en plus de fonder Le naturaliste canadien, en 1868, et de publier ses carnets de voyages.
Secteur Saint-Grégoire
Baigné par les rivières Godefroy et Sainte-Marguerite, le plus occidental et le plus populeux des secteurs, se particularise par ses débuts acadiens. La toponymie des lieux le rappelle. À preuve, les artères principales du secteur arborent fièrement les noms de Port-Royal et des Acadiens. Bien que les fiefs qui composent Saint-Grégoire aient été concédés en 1638 (Godefroy)1 et en 1675 (Roquetaillage), il aura fallu attendre la déportation acadienne de 1755 avant de voir s’établir une colonie assez vigoureuse pour donner vie à une communauté durable.
Trois vagues d’immigration consécutives correspondent à autant d’établissements sur les terres de Saint-Grégoire. L’histoire de ces bâtisseurs ressemble à une épopée tant leur destin est parsemé de rebondissements les plus divers. À cet égard, la vie d’Étienne Hébert et de Josephte Babin est tissée sur le modèle d’Évangéline. L’abbé Henri-Raymond Casgrain2 relate les tribulations de ce rescapé du Grand Dérangement qui, en arrivant au pays, part à la recherche de ses frères dispersés aux États-Unis.
Après les avoir ramenés, les quatre frères s’installent à Saint-Grégoire. Pour sa part, Étienne retrouve sa bien-aimée, dont il avait perdu la trace depuis d’Acadie et l’épouse. Le couple sera à l’origine d’une lignée remarquable à laquelle appartient Anne Hébert.
La vie s’organise d’abord aux environs du lac Saint-Paul de la rivière Godefroy et du port Saint-Paul. Le XVIIIe siècle, grâce au talent légendaire des Acadiens en ce domaine, aurait accueilli au lac Saint-Paul un chantier naval capable de construire des bateaux de 60 à 80 pieds. Le vocable de Saint-Grégoire, quant à lui, a été imposé par le clergé trifluvien; les fondateurs lui préférant un nom plus apte à évoquer leur terre d’origine comme Sainte-Marguerite ou village Godefroy.
En dépit de la reconnaissance de Saint-Grégoire comme paroisse, aucun document officiel n’atteste son érection canonique. Cette particularité n’a pas empêché l’abbé Pierre Conefroy (1779-1816) de réaliser les plans et de faire construire (1803-1806) une église considérée comme un joyau de notre architecture religieuse. À l’intérieur, le retable et le tabernacle (1713-1714) laissés par les Récollets ainsi que les sculptures d’Urbain Brien dit Desrochers valent à eux seuls le détour.
Saint-Grégoire a vu naître un architecte réputé doublé d’un patriote exemplaire. Fils d’Étienne Hébert, le major Jean-Baptiste Hébert (1779-1863) a réalisé plusieurs édifices institutionnels dont le Séminaire de Nicolet (1827-1830). La position radicale d’Hébert lors de la rébellion de 1837-1838 lui valut un séjour en prison. Malgré cela, il fut député de 1808 à 1814 et de 1830 à 1838. Représentant du style monumental canadien, le manoir Hébert (boulevard des Acadiens), œuvre du major Hébert, a hébergé ses descendants jusqu’au milieu des années soixante-dix. Parmi les personnalités marquantes de Saint-Grégoire, mentionnons un autre ardent défenseur du fait français au Canada : l’historien et mémoraliste Alfred Désilets (1841-1921). Saint-Grégoire se glorifie, en outre, de la fondation des sœurs de l’Assomption de la Sainte-Vierge; l’œuvre exemplaire de cette communauté enseignante est encore mieux connue à l’étranger qu’au Québec.
L’orientation agricole de Saint-Grégoire va de soi. Toutefois, d’autres activités ont su occuper une partie de la population. Les moulins à fouler les étoffes, les fromageries, les manufactures de chaussures et le transport des personnes et des marchandises entre les deux rives du fleuve, avant l’ouverture du pont Laviolette, on fait vivre plusieurs familles. Le moulin à vent (1792) nous plonge plus loin dans un passé où la féodalité régissait encore les rapports économiques et sociaux.
1Jean Godefroy fut le compagnon et l’interprète de Ch
2Un pèlerinage au pays d’Évangéline, Québec, 1888.v
Secteur Sainte-Angèle
Situé entre les secteurs Bécancour et Saint-Grégoire, le secteur Sainte-Angèle s’avance dans le fleuve avec hardiesse. Position géographique qui occasionna de mémorables inondations, à tel point que l’on dût concevoir les bâtiments de ferme de manière à permettre au bétail de grimper au grenier le cas échéant. Ces crues excessives contribuaient à isoler davantage les malheureux insulaires.
L’histoire de l’île, du nom que lui donnaient les anciens, commence avec la construction d’une section du Grand Tronc. Quelques colons, employés par le chemin de fer et hébergés par la famille Doucet, sont à l’origine du lieu-dit «Doucet’s Landing» qui allait devenir Sainte-Angèle. Vouée à la fondatrice des ursulines de Trois-Rivières et au premier évêque canadien, la paroisse obtient son érection canonique en 1868 et ses lettres patentes en 1870. Cette même année, l’église est inaugurée.
Les noms d’un pasteur et d’un passeur ont particulièrement marqué la mémoire des habitants de l’Isle. Celui des Bourgeois, qui ont assuré le service de traversier pendant une soixantaine d’années et celui de Victor Ménard Sicard de Carufel, curé pendant 37 ans (1876-1913). De la présence insistante du fleuve naquirent des vocations de marins et de pêcheurs. La famille Bourgeois a, contre vents et marées, maintenu les communications et les échanges commerciaux entre les deux rives. Aucun autre passeur n’a réussi à la concurrencer. La pêche, quant à elle, s’est développée autour du hameau appelé Port-Saint-Nazaire. Aux alentours, on parlait de ces pêcheurs en termes de «barbottier», or la barbotte ne représentait qu’une des nombreuses prises tirées de leurs «verveux».
De nos jours, cette activité saisonnière est pratiquement disparue. La pêche sportive et la chasse à la sauvagine ont permis au secteur de conserver un contact privilégié avec le fleuve.
Les tentatives d’implantation industrielle dans le secteur Sainte-Angèle soulignent la volonté de la population de se donner une infrastructure économique génératrice d’emplois permanents.
Malgré de nombreux essais, les résultats répondirent rarement aux attentes de leurs promoteurs. Rappelons-nous la manufacture de chaussures qui a ouvert ses portes en 1887 pour les fermer cinq ans plus tard. À partir de 1891, une fabrique d’allumettes a embauché des ouvriers des environs. Après trois ans d’exploitation, un concurrent a acheté l’entreprise pour la démanteler. Le destin de la société de téléphone, fondé en 1919, fut plus heureux puisqu’on ne la vendit qu’en 1965. D’autres expériences, comme une usine d’embouteillage de boissons gazeuses et une beurrerie, ne connurent qu’une brève prospérité. Déjà aguerrie à l’industrie, la population active du secteur constitue un bassin de travailleurs intéressant pour les grandes entreprises du parc industriel de Bécancour.
Secteur Précieux-Sang
Cet autre secteur a vu le jour dans un climat tumultueux puisque sa naissance a connu une certaine opposition concernant les frais encourus par les infrastructures nécessaires à la fondation d’une nouvelle paroisse dans le petit Missouri de Bécancour. En 1903, à la suite d’un vote serré de 49 pour et de 47 contre, l’érection canonique de cette ancienne mission est accordée. Un an plus tôt, on avait déjà procédé à l’ouverture des registres paroissiaux. Avant même d’obtenir la reconnaissance civile, en 1904, on confie à l’architecte Caron de Nicolet le mandat de dresser les plans d’une église, d’une sacristie et d’un presbytère. L’église ouvrira ses portes aux fidèles cette même année.
La population de cette municipalité est demeurée stable au cours de sa brève histoire. De la même manière, son paysage n’a pas été transformé par l’implantation d’industries. Ce qui donne à ce hameau paisible un cachet pittoresque.
De coquettes petites fermes côtoient d’impressionnantes forêts cultivées. Une manufacture spécialisée dans la fabrication de palettes et de cageots de bois s’y est installée, se démarquant de ce paysage essentiellement rural. Le nombre et la beauté des croix de chemin évoquent une époque où l’éloignement de l’église exigeait qu’on lui trouve des substituts pour se recueillir et faire ses dévotions. Le cimetière jusqu’à récemment bordé de pins majestueux invite au recueillement. Sur la rivière Blanche (officiellement appelée Saint-Wenceslas), le pont des Raymond enjambe fièrement les deux rives tout en rappelant que la construction de la route a aussi contribué à endiguer l’isolement des habitants de Précieux-Sang. La population de ce secteur a su conserver une fierté orgueilleuse pour son coin de pays, mais chacun a développé un sentiment d’appartenance à la ville de Bécancour. De nos jours, plusieurs villégiateurs ont adopté ce secteur pour s’y retirer en toute quiétude.
Secteur Sainte-Gertrude
Des trois secteurs fondés après le régime seigneurial, Sainte-Gertrude compte la plus grande population. Le développement de cette localité a commencé timidement en 1807; cependant, l’instauration du Plan Marquis, en 1847, lui a valu son essor véritable.
Peu de temps avant l’adoption de cette politique en faveur de la colonisation de terres non défrichées, 1845 voyait l’érection canonique d’une nouvelle paroisse au sud de Bécancour. L’année suivante, la municipalité est érigée civilement. On engage alors les démarches pour bâtir une église et un presbytère. Damase Saint-Arnaud dirige le chantier de construction de l’église, la réalisation du mobilier sacré sera confiée à David Poisson et Alphred Giroux. Les travaux amorcés en 1850 s’achèvent avec la bénédiction du sanctuaire en 1853.
À mesure que l’on s’éloigne du Saint-Laurent, la qualité des terres se prête davantage à l’exploitation forestière qu’à l’agriculture. Aussi l’économie de Sainte-Gertrude privilégie-telle le travail du bois à celui de la terre. Quelques fermes laitières ont alimenté la beurrerie et la fromagerie, mais nombre de moulins à scie, de manufactures de portes et fenêtres ou d’ateliers d’ébénisterie illustrent la vocation profonde du secteur.
Secteur Gentilly
Situé à l’est de Bécancour, Gentilly a longtemps été le secteur le plus populeux de la ville. Tous les services à la communauté y sont regroupés de manière à former un noyau urbain bouillonnant d’activités. La proximité de la centrale nucléaire Gentilly 2 et du parc industriel explique en partie cette concentration humaine. Les terres qui bordent le fleuve comptent parmi les plus basses du Québec.
Par conséquent, l’établissement originel dut s’éloigner de la berge en raison des inondations qui l’assaillaient pratiquement chaque année.
La rivière Gentilly baigne cet ancien village dont l’histoire remonte à 1647, date où la compagnie des Cent-Associés concède deux fiefs à Nicolas Marsolet et à Pierre Lefebvre. Un autre fief est cédé à Michel Pelletier en 1669. Ces trois concessions réunies acquièrent le statut de Seigneurie en 1683. Quant au vocable, son origine n’est pas tout à fait certaine. D’aucuns le relient à la commune de Gentilly (près de Paris), d’autres prétendent que Pelletier a choisi ce nom à la mémoire du premier mari de sa femme, le sieur Poisson de Gentilly, tué par les Iroquois lors d’une embuscade.
Bien que le territoire ait été érigé en canton provincial en 1670, son érection canonique se fait attendre jusqu’en 1784. Joseph-Gaspard Chaussegros de Léry achète la seigneurie des Poisson (descendants par alliance de Pelletier) en 1872. La famille Léry reconstruit alors le moulin banal sur le même emplacement que le premier, bâti en 1756. On peut aujourd’hui le visiter à l’enseigne du Moulin Michel, du nom du dernier meunier.
Les églises revêtent une importance particulière dans toutes les paroisses du Québec et Gentilly n’échappe pas à la règle. En effet, avant même sa construction, cette église suscite d’âpres luttes à propos de sa localisation. Ce mouvement historique, bâti entre 1842 et 1849, se distingue par la splendeur de sa décoration intérieure, grâceaux talents de Damase Saint-Arnaud. Adolphe Rho et Raphaël Giroux ont aussi collaboré à l’ouvrage. Quant à Eugène Hamel, il a brossé le tableau de Saint-Édouard. Des pins centenaires veillent au repos des résidents du cimetière au centre duquel s’élève une petite chapelle décorée par Adolphe Rho.
Si ce lieu sacré mérite le détour, les pasteurs qui y ont exercé leur ministère attirent aussi l’attention. Parmi eux, le curé (1795-1832) Claude-Gabriel Courtin a été le principal acteur d’une histoire de revenants si mémorable qu’elle a inspiré un récit fantastique à l’écrivain Louis Fréchette1.
Notons qu’une autre localité sise au Minnesota, porte le nom de Gentilly. Il s’agit d’un poste fondé en 1873 par d’anciens habitants de Gentilly au Québec, partis chercher fortune aux États-Unis. À cette époque, l’exode rural a drainé vers le sud un grand nombre de Canadiens désireux d’améliorer leurs conditions matérielles.
La vie économique traditionnelle du secteur Gentilly a longtemps reposé sur l’agriculture : production laitière et linière. De plus, la coupe de bois a fait tourner deux moulins à scie jusqu’au milieu du XXe siècle.
C’est aujourd’hui une communauté très dynamique à laquelle on doit son fameux carnaval d’hiver qui en est à sa 48e édition et le très original Potirothon qui en est à sa 27e édition!
1Paru dans Le monde illustré du 26 février 1898
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